Rencontre avec Philibert Humm

La librairie La Baignoire d’Archimède a eu la riche idée d’inviter Philibert Humm, auteur de Roman Fleuve paru aux éditions des Équateurs en août dernier et prix Interallié 2022. Comme son titre ne l’indique pas, ce roman, pas si long que cela, ne comporte que trois personnages principaux. Et un canoë deux places qui emmène les trois aventuriers d’eau douce au bout de la Seine. C’est assez cynique et franchement drôle. Singulier pour un roman d’aventure très second degré. L’auteur ne nous mènerait-il pas en bateau ? Réponse de l’intéressé.

– Saviez-vous avant même d’entreprendre cette aventure qu’elle deviendrait roman ? Vous l’avez entrepris dans ce but ?
– Pas vraiment. J’y pensais un peu, je prenais quelques notes, mais je suis surtout parti parce que ça me démangeait. D’ailleurs j’ai mis trois ans à écrire la première phrase. On ne peut jamais savoir à l’avance si on parviendra à raconter telle ou telle histoire et, quand on y arrive, le livre ne ressemble jamais à celui qu’on voulait écrire…

– Toutes les aventures sont-elles bonnes à écrire ?
– Dans l’absolu, oui. Tant qu’elles ne se limitent pas à de simples exploits sportifs. Rien de plus ennuyant qu’un sportif, hormis peut-être les contrôleurs de gestion.

– Pour devenir roman, que doivent avoir l’aventure – et l’aventurier-  dans le ventre/le coeur ?
– Une passion, des rêves, un idéal… C’est un peu ridicule les idéaux, mais c’est aussi très beau.

Roman-Fleuve– « La fiction doit rester vraisemblable, la réalité elle n’y est pas tenue », écrivez-vous dans Roman Fleuve. Comment articulez-vous (hiérarchisez-vous ?)  les notions de vraisemblable, fiction et réalité entre elles ?
– C’est un problème auquel je suis souvent confronté : comment raconter ce qui m’est arrivé sans passer pour le champion des mythomanes. Dans ce roman tout est vrai même si tout n’est pas vraisemblable, loin de là. Au fond peu importe si on ne me croit pas. J’ai remarqué que les enfants se fichaient pas mal de savoir si une histoire est vraie ou fausse. Tant qu’elle est belle et les fait rêver, ils marchent !

– Vous avez reconstruit du vraisemblable dans Roman Fleuve pour que la fiction tienne ?
– Non mais il y a des évènements que j’ai tus, pour la clarté du récit et la sauvegarde de ma réputation.

– Pouvez-vous m’en dire plus sur le concept de « ventilation narrative » dont il est question dans le roman ?
– La plupart des livres d’aventures sont trépidants. Il y a tant d’action à l’intérieur que le lecteur en a le souffle coupé. En ce qui me concerne j’ai voulu ce livre accessible au public cardiaque. C’est pourquoi il ne s’y passe pas grand-chose. On approche le degré zéro du spectaculaire. Et après chaque péripétie, je prends soin d’écrire deux ou trois paragraphes rasoir et monotones afin que le lecteur reprenne son souffle.

– Dans votre roman, on rencontre de nombreuses figures de style. Laquelle préférez-vous et pourquoi ?
– J’ai une tendresse toute particulière pour le zeugma, qui consiste à raccorder deux mots disparates au même verbe. J’en ai truffé le livre. Exemple : Sous le pont Mirabeau coule la Seine et Philibert Humm.

– Je me demandais si vous aviez ri pendant l’écriture de ce roman ou si l’écriture avait été chose sérieuse ?
– Dans les premiers temps il m’est arrivé de me faire rire. Je me disais : qu’il est drôle ! Puis de moins en moins, au fur et à mesure des relectures. A la fin j’étais tout à fait consterné. C’est un exercice épouvantable de se relire, tous les écrivains le savent.

– Page 189, vous écrivez que le divertissement est appréhendé désormais avec un grand sérieux. C’est un point de vue que vous partagez avec vous-narrateur ? Vaut-il aussi pour la littérature ?
– Absolument. L’esprit de sérieux nous étouffe, tout comme le culte de la performance. Même dans le cadre de nos loisirs on ne fait plus rien sans se mesurer, se chronométrer, se comparer. C’est bien dommage.

– Quel rôle, utilité, pouvoir a le rire pour vous ? Et quelle est sa place dans la littérature ?
– La principale utilité du rire est de rendre la vie supportable. Sans ça il y a bien longtemps que je me serais jeté par la fenêtre. Par chance j’habite un rez-de-chaussée. En littérature c’est pareil. La bonne moitié des écrivains contemporains semblent porter le poids de la misère du monde sur leurs épaules et, à les voir, ça parait lourd.

– Que gardez-vous comme souvenirs ou images de la Foire du livre de Brive ? Les salons en provinces pourraient donner matière à roman ?
– Il s’en passe de belles à la foire du livre de Brive, vous pouvez me croire. Mais, comme on dit : ce qui se passe à Brive reste à Brive…

(Crédit photo : Théo Saffroy)

Rencontre avec Philibert Humm mercredi 15 mars à 18h30 à La Baignoire d’Archimède, 21, rue du lieutenant-colonel Farro 
05 55 23 93 67

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