Bénédicte Belpois : « Je l’aime mon Gonzalo ! »

Prix des lecteurs de la Ville de Brive 2019 pour son premier roman Suiza paru aux éditions Gallimard, Bénédicte Belpois était venue en résidence d’écriture à Brive terminer son troisième roman en février 2021. Gonzalo et les autres vient de paraitre. Et toujours, il est question d’amour !

Sa résidence d’écriture à Brive avait été une révélation. Une parenthèse apaisante dans sa vie menée tambour battant. C’était en 2021 et c’était sa première. Elle faisait suite à son premier roman Suiza. Un coup d’essai et de maître repéré et publié par Gallimard. Cette sage-femme faisait alors une entrée remarquable et remarquée en littérature.

product_9782072988165_195x320Deux ans plus tard paraît son troisième roman : Gonzalo et les autres. « Je l’avais quasiment bouclé durant ma résidence à Brive. » Dans ce nouveau livre, pas de surprise. Comme dans Suiza et Saint Jacques, il est encore question d’amour ! Un sujet inépuisable et pour cause, « la même histoire peut être sublime ou crapotée. C’est une histoire de conjonction des astres. Il faut être là au bon moment, comme pour la mort. Et en amour, poursuit-elle, intarissable, l’expérience ne vaut rien. Il faut vivre et on n’est jamais guérie, je crois. »

Cette blessure d’amour, Suiza la portait déjà. Saint Jacques aussi, comme Gonzalo. Fils d’un viticulteur d’un petit village espagnol, il s’enfuit pour éviter le service militaire instauré par les franquistes et le destin médiocre auquel il se croit promis. Il rejoint la France qu’il quitte finalement plusieurs années après, y laissant un amour malheureux. Retour à la case départ et à la vie rurale.  

« Gonzalo voudrait aimer mais c’est compliqué pour lui. La détresse amoureuse, c’est cela qui m’intéresse. L’amour, on peut vivre sans mais ça marche moins bien ; alors lui aussi cherche sa moitié d’orange comme on dit en Espagne ». C’est là, en Estrédamure, que Bénédicte Belpois plante le décor de ce roman inspiré d’une histoire vraie.

« J’ai rencontré Gonzalo. C’était il y a 15 ans. J’étais perdue dans une grande ville d’Espagne. Il m’a vue avec ma carte et il m’a demandé où j’allais. Il parlait un français magnifique. » En lui expliquant les raisons qui l’ont amené à apprendre cette langue, ce sont tous les fils d’une vie qui vont se dérouler et des larmes couler. « En Français, Gonzalo s’entendait gros salaud« , se remémore-t-il. « 40 ans après, il en pleurait encore et j’ai trouvé cela éminemment touchant. Je l’ai écouté me raconter sa vie. »

Bénédicte Belpois est de ces personnes qui entendent bien, qui savent écouter, comme Gonzalo qui devient le confident des habitants du village. « Ceux qui savent écouter sont souvent ceux qui ont beaucoup souffert de ne pas avoir été entendu. » Et n’est pas bon confident qui veut. Écouter, ce n’est pas rien faire. Elle parle d’écoute active durant laquelle « on aide, on aiguille, on s’énerve, on est touché… » L’écoutant est traversé d’émotions. « Il doit être un peu idiot, faire répéter et amener de sa propre détresse. On ne se confie pas, ou moins bien, à quelqu’un de plus grand que soi. On parle à l’infirmière, pas au grand docteur », illustre Bénédicte Belpois.

A travers ces confidences, c’est le portrait émouvant de tout un village qui émerge, des morceaux de vie mis bout à bout comme autant de touches de couleurs d’un tableau pointilliste où bruisse le secret de nos âmes.

Suiza, Saint Jacques, Gonzalo… Bénédicte Belpois sait que ses personnages seront comparés, les lecteurs trouvant celui-ci plus ceci ou moins cela… « Mais Gonzalo aura ses inconditionnels », tranche-t-elle. Elle l’espère, elle le sait. « Moi, je l’aime mon Gonzalo. Et j’ai un espoir, que ce livre soit traduit en Espagne et que ce grand Monsieur rentre un jour dans une librairie et reconnaisse son histoire, qu’il sache qu’il est resté dans mon cœur. »

Gonzalo et les autres, Bénédicte Belpois, Gallimard, paru le 5 janvier 2023. 208 pages. 18€

(Crédit photo : Francesca Mantovani/Gallimard)