Karine Tuil

Nous ne sommes pas tous sommés de prendre le même genre de décisions dans nos vies. De celles d’Alma dépendent la liberté ou l’enfermement d’autres personnes. Elle a 49 ans, elle est juge d’instruction antiterroriste. C’est une femme puissante… la plupart du temps.

Alma a une carrière exemplaire, elle est mariée, a trois enfants. Une vie remplie, brillante, réussie. Mais à bien y regarder, le beau tableau se fissure par endroit. L’emprisonnement de son père quand elle était enfant, la lente déliquescence de sa vie de couple aujourd’hui, l’amertume de son mari, un écrivain mis en pleine lumière à 27 ans retombé dans l’oubli depuis ses tentatives ratées de faire œuvre nouvelle et qui se réfugie dans le judaïsme orthodoxe.

Alma, elle, connait son métier. Elle connait la pression. L’un ne va pas sans l’autre. Mais quand elle prend conscience que sa vie personnelle déraille, que son couple bat de l’aile, tout se complique. Le fil fragile sur lequel elle se tenait en équilibre grâce à sa vie de femme rangée, de famille normale, vacille. On le pressent dès le début. Quelque chose d’inéluctable est en marche.

Une décision pourrait mettre un terme à cette fatalité ou l’y précipiter.

Karine Tuil croise dans son dernier roman La décision paru chez Gallimard l’amour et la haine, l’intime et le droit implacable. En atteste la construction de son récit faisant alterner la narration d’Alma et la transcription de l’interrogatoire d’Abdeljalil, 23 ans, de retour de Syrie avec femme et enfant et suspecté d’avoir rejoint l’Etat islamique.
Il clame son innocence, une erreur de jeunesse, position que défend aussi son avocat qui se bat pour faire libérer son client. Face à lui, il a une juge d’instruction intransigeante. Alma. Ils sont aussi amants.

Dans ce roman dont on sent qu’il est très documenté, Karine Tuil décrit longuement le quotidien de cette magistrate pressurée, décrypte les missions assignées à chacun dans ce monde complexe de l’antiterrorisme. Elle pose le cadre stricte, juridique puis au fil des pages, la machine part en roue libre, la mécanique s’enraye, échappe. Jusqu’à la décision finale.

Karine Tuil, La décision, Gallimard, 295 pages, 20 euros.