Claudine BOHI
Lauréat 2019
Naître c’est longtemps paru aux éditions La tête à l’envers.
« Que cherchons-nous en nous-mêmes et jusqu’au fond de la langue si ce n’est à échapper à l’étroit, à ce qui de nos vies et de nos pensées nous emprisonne ou nous rétrécit. Nous cherchons à naître à ce quelque chose qui nous habite mais que nous ne saisissons pas, à accéder à ce territoire d’avant les mots, ancien et à venir, qui scintille au fond de la parole, cette langue mélangée de corps…«
Ainsi parle Claudine Bohi, agrégée de lettres et psychanalyste, dans l’ouverture à son recueil, le vingt-et-unième.
Naître c’est longtemps témoigne de ce « réservoir du langage », de cette « langue mélangée de corps ».
Et elle explicite ainsi ce mot de « corps » plus complexe qu’il ne le semble:
« Ce que j’appelle le corps, la chair, ce n’est pas seulement un ensemble de cellules, c’est ce qui, en elles, est inscrit de notre mémoire, individuelle et collective. Ce qui de ces mémoires est passé dans notre sang, sous forme de rythmes et de sensations infra verbales, de musique et de souffle, et qui nourrit à l’infini la polysémie de notre vocabulaire, comme une sorte de terreau dont il surgit. Ce qui arrive de si loin et dont nous n’avons pas conscience, mais qui vient échouer dans le poème, par l’intermédiaire de cette « sorcellerie évocatoire » dont parlait Baudelaire. Celle-ci fait dire aux mots ce qu’ils ne se savaient pas encore d’eux-mêmes. Ce qu’ils n’avaient pas encore dit et que pourtant ils contenaient, baignés, infléchis qu’ils sont par tant de vécus et d’expériences passées et à venir. La découverte n’a pas de fin. Elle est au cœur du langage des hommes. Elle a le visage de notre force et de notre liberté. À charge pour le poète de le manifester, et de le partager.«
Crédit photo : Diarmid Courrèges