Proust est-il vraiment drôle?

Avec « Un humour de Proust », Lambert Wilson accompagné au piano par Jean-Philippe Collard, a ouvert mardi 5 juillet au Théâtre de Brive le 41e Festival de la Vézère sublimant les mots de Proust et jetant une lumière nouvelle et inattendue sur « La Recherche« . Cette soirée exceptionnelle proposée en partenariat avec la Foire du livre de Brive s’est jouée à guichets fermés.

Voilà plusieurs décennies, Jean-Michel Verneiges a imaginé des montages pour mettre en scène les plus beaux textes de La Recherche réputée pour son aridité. Comme le nom du spectacle l’indique, c’est un tout autre aspect de cette œuvre que Jean-Michel Verneiges, à l’adaptation et la conception, a donc mis en lumière dans Un humour de Proust.

Pour Jean-Yves Tadié, le grand biographe de Proust, « À la recherche du temps perdu est un des plus grands romans comiques de la littérature française ». Verdict dans la salle ? Les rires, retenus ou plus éclatants, ont effectivement ponctué cette soirée où les mots et l’humour de Proust ont été sublimés par le timbre et le jeu d’acteur de Lambert Wilson.

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Peu avant de monter sur scène,  Lambert Wilson est revenu sur son amour pour Proust. Morceaux choisis.

Se glisse-t-on facilement dans les phrases de Proust ?

Cela a été une évidence pour moi. Je n’ai pas de prétention au génie mais j’ai eu une affinité particulière avec sa sensibilité. Je l’avais déjà ressentie il y a 20 ans lorsque j’avais enregistré l’intégrale de A l’ombre des jeunes filles en fleurs pour les éditions Thélème.

Ne vous-êtes vous jamais retrouvé à bout de souffle dans cette lecture à voix haute ?

A bout de souffle, non ! A bout de sens, là est plutôt le risque ! C’est tellement agréable d’avoir affaire à des phrases longues et complexes, je ne m’en plains pas. Mais il peut être difficile de rester connecté à la pensée de Proust. Le lire à voix haute demande quelques artifices pour que la concentration du public suive. L’attention du public dépend aussi de mon travail de compréhension du texte, mon analyse doit tout embrasser et je dois être certain de la moindre digression.

Qu’aimez-vous chez Proust ?

Ce que j’aime chez Proust, c’est sa façon de s’intéresser moins à ce que les gens disent qu’à la manière dont ils le disent. C’est un peintre de la société humaine. Il m’énerve aussi parfois cela dit, notamment quand il décide de décrire trop longuement des objets ! Mais après de très longues descriptions, il sait aussi synthétiser une notion avec la rapidité de l’éclair. Il me surprend à chaque fois !

De la lecture à l’incarnation, il n’y a qu’un pas ?

S’il fallait l’incarner, ce serait autre chose. Mais poser sa voix sur celle du narrateur de La Recherche qui lui-même incarne une galerie de portraits, c’est passionnant à faire. D’autant plus dans ce spectacle. Je me délecte du choix des textes mordants sur la société aristocratique et bourgeoise. Jean-Michel Verneiges a choisi des pages inattendues de satire sociale, très dialoguée, c’est donc formidable à jouer !